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Egypte - Alexandrie
Pour ceux qui ne connaissent pas un grand poète alexandrin né en 1863 et mort en 1933, Constantin Cavafis.
Regardant par la fenêtre de l'appartement où il a fini sa vie, il écrivait:
«Où vivrais-je mieux? En bas, un bordel me donne la chair, l'église le pardon des fautes. Et là, l'hôpital où nous mourrons tous.»
Mars 1893:
Les quatre murs de ma chambre:
je sais que tout est pauvre,
qu'il leur seyait d'autres ornements
à mes amis, plus nobles
et plus nombreux et plus grands.
Mais que veulent dire ces mots?
Mes murs ont de meilleures manières;
ils ne m'aiment pas pour mes cadeaux.
Ils ne sont pas comme les hommes.
Et puis ils savent; pour un instant seulement
ils me tiendront moi et mes choses.
Mes joies et mes peines
et chaque chose que j'ai ici,
passeront bien vite. Les murs
solides, peu se soucient de tels cadeaux.
Ils vivent longtemps et n'exigent rien
de ma petite vie.
Un poème sur Marc Antoine, l'amant de Cléopâtre:
"Quand soudain, aux environs de minuit,
tu entendras passer un cortège invisible,
avec des mélodies sublimes, ponctuées de clameurs -
alors sur ta fortune qui chancelle, sur tes œuvres
qui ont échoué, les projets de ta vie qui tous
se sont révélés n'être que chimères, ne te lamente pas en vain.
En homme prêt depuis longtemps, en homme courageux,
une dernière fois salue Alexandrie qui s'éloigne.
Surtout ne t'abuse pas, ne t'en va point dire
que ce n'était qu'un rêve, que ton oreille s'est méprise;
à d'autres d'aussi sottes espérances.
En homme prêt depuis longtemps, en homme courageux,
comme il convient à qui pareille cité s'est livrée,
approche-toi résolument de la fenêtre,
et avec émotion, certes, mais sans
les plaintes et supplications des lâches, écoute,
dans une ultime jouissance, les sons inouïs,
les si doux instruments du mystérieux cortège,
et salue-la, cette Alexandrie que tu perds."
Les dieux désertent Antoine, Constantin Cavafis