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Égypte - Le Caire
Pour sourire, une visite des Pyramides de Le Clézio en compagnie de l'auteur.
"Poil de cairote 408
Jean-Marie Le Clézio qui est ici pour quelques jours, est trop grand pour les pyramides. Là où n’importe qui se plie en deux pour se hisser dans le boyau, il doit se plier en trois. Marcher lorsque l’on est plié en trois n’est pas tâche facile. Je vois, derrière moi, sa tête blonde qui fore dans le noir. Descendre dans la pyramide de Kéfren ou monter dans Kéops, c’est d’abord se plier devant la grandeur de Pharaon. C’est ensuite éprouver l’épaisseur inquiétante et le silence lourd des tonnes de pierres. C’est aussi très vite sentir dans l’atmosphère confinée et carbonique l’excès de vie des touristes qui se pressent. Il fait sueur. Sueur des efforts et sueur de cette espèce de trouille respectueuse qui vous saisit à l’idée que vous pourriez rester là, piégé pour les siècles, à l’idée de rencontrer au détour d’un boyau un plus grand que vous, à l’idée que pour jamais vous êtes plié. Vous vous redressez enfin dans la chambre mortuaire pour constater qu’il n‚y a rien à voir : une auge en pierre noire et son couvercle incliné sur le côté. Une envie immédiate et urgente de redescendre. Le Clézio a décidé de faire le voyage retour en ticheurte, son paquetage roulé sous le coude. Et nous voilà recourbés. Ce n’est qu’au dehors sous le ciel bleu, pendant que l’on enfile les pulls dans le vent frais, que nous comprenons que l’attrait de la visite des pyramides tient non pas à ce que l’on peut y voir, mais à cette gamme bien particulière de terreurs fondamentales que l’on y expérimente."
Poil de cairote de Paul Fournel. Éditions Seuil