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Indonésie-Bali
En 1906, face à l'invasion hollandaise, les princes de Badung préfèreront se donner la mort lors d'un tragique puputan. A neuf heures du matin les princes, leurs suites et leurs familles, enfants compris sortent du palais vêtus de blanc pour s'offrir au feu des Néerlandais. La version de ce puputan par Vicki Baum
" Derrière le tournant de Tian Siap des obus et des salves nourries accueillirent les Balinais qui se jetaient de front contre les troupes hollandaises. Le prince tomba le premier. Par-dessus lui, les hommes vêtus de blanc coururent à l'ennemi, et, derrière eux, par-dessus eux, d'autres accouraient. Une montagne de morts et de blessés s'élevait entre la pouri et les troupes qui faisaient feu . Cependant, de nouvelles vagues d'hommes surgissaient portail, tous armés du kriss, tous avec la même expression de démence et de fureur mortelle, tous parés et couronnés d'or et de fleurs.
Trois fois les Hollandais cessèrent de tirer, comme pour ramener ces déments à la raison, pour les épargner ou les sauver. Mais les Balinais voulaient mourir. Rien au ne pouvait arrêter leur course à la mort, ni les mortiers ni les fusils infaillibles des meilleurs tirailleurs, ni le brusque silence qui tombait lorsque les Hollandais cessaient de tirer. Des centaines d'entre eux tombaient les balles, des centaines d'autres brandissaient leurs kriss et les plongeaient dans leurs propres poitrines. Ils se les enfonçaient au-dessus de l'omoplate, de façon que la pointe atteignit le coeur, selon l'antique et sainte coutume. Derrière les hommes vinrent les femmes et les enfants : garçons, petites filles, les cheveux parés de fleurs, nourrissons dans les bras de leurs mères, vieilles esclaves avec des poitrines d'adolescents et des cheveux blancs. Toutes étaient parées de fleurs dont les parfums se mêlaient aux fumées, à l'odeur de poudre et à l'arôme douceâtre de sang et de mort qui ne tarda pas à se répandre sur la place. Çà et là on apercevait des prêtres qui passaient en silence entre les mourants et aspergeaient d'eau bénite leurs membres qui tressautaient. Les femmes du prince portaient sur leurs têtes des couronnes dorées, où tremblaient des fleurs en or, et leurs mains et leurs bras étaient chargés de bracelets. Elles arrachèrent ces bijoux et les jetèrent aux soldats, avec une expression méprisante sur leurs visages ronds et innocents. Les Javanais et les Amboynais sortaient du rang pour ramasser les joyaux, mais leurs caporaux les retenaient. Certains officiers détournaient les yeux ou se cachaient le visage sous leurs mains, pour ne pas voir plus longtemps cet affreux spectacle. Le lieutenant Dekker ne put supporter de voir les hommes tuer leurs propres femmes, puis eux-mêmes, et les mères enfoncer le kriss dans la poitrine de leurs nourrissons."
Vicki Baum, Sang et Volupté à Bali