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Indonésie- Bali
Il n’y a pas que Georges W. Bush et mon beau-père qui sont « re-born ». Ma femme l’est aussi ! A Bali, une brahmane mariée à un étranger doit quitter sa caste. Ma femme avait déjà « perdu » ses parents lorsqu’ils furent ordonnés prêtres ; en épousant un bule, elle perdait son rang.
Une cérémonie doit la fait mourir symboliquement afin qu’elle puisse renaître en « sans caste ». Jadis appelé patiwangi, « tuer le parfum », les intellectuels ont depuis estimé qu’une odeur ne pouvait pas se tuer et ont opté pour ngewaliang wangsa, « restituer sa caste ». Ma femme dût faire appel à un pedanda autre que son père qui refusait d’officier. Pensez donc : tuer sa propre fille ! Les préparatifs ont duré une semaine. Le thème astral détermine les éléments négatifs et positifs. Celui de ma femme lui attribuait 64 éléments morts et 47 vivants. Des assistants ont prélevé aux quatre coins de l’île autant d’échantillons de terre et d’eau.
Le jour J, nous partions de bonne heure, ma femme munie de quatre tenues. A peine arrivés au Griya, nous repartions aussitôt à la plage, accompagné de la pedanda et de trois assistantes. La première heure se passait sous le son de la clochette et des litanies de la prêtresse qui nous aspergeait de la tirta, l’eau bénite. La pedanda me demandait de choisir un nouveau nom à ma femme et de la guider jusqu’à la mer. Une mèche de ses cheveux noirs fut dispersée dans le vent et elle plongea dans les vagues. Rien de plus efficace qu’une baignade pour enlever l’odeur brahmanique. Premier changement de tenue.
De retour au Griya, des tables couvertes d’offrandes et de 111 petits pots nous attendaient. Un tel assortiment de banten justifiait le prix de la cérémonie ! Après une autre heure de psalmodies, ma pauvre épouse devait s’agenouiller dans … une cage en bambou. Le guungan, destiné aux coqs, symbolisait ici le ventre maternel. La prêtresse cassait les 64 pots pour les vider sur la tête de ma femme. Puis, venaient les 47 fioles qui ne la rinçaient que partiellement. Deuxième changement de tenue.
Lavé de ses odeurs d’origine, le nouveau-né pouvait recevoir la bénédiction sous le nom de Putu. L’eau bénite mouillait sa troisième tenue. Enfin, ce fut l’heure du babi guling. Tant d’aspersions, ça creuse. Depuis, je n’ai pas noté le moindre changement chez la « re-née » et les Balinais continuent à lui adresser des Bu Dayu, titre réservé aux brahmanes. Toutefois, à sa mort, son ngaben aura lieu à Bukit avec les étrangers. Je m’en veux terriblement : en épousant une brahmane, j’en ai fait une sans-caste !
Rainer-article tiré de la gazette de Bali